Critique

                           Catherine Muller de Schongor

Petite fille d 'un Artiste Peintre, restaurateur au Musée du Louvre et fille d'une mère d'origine tchèque, l 'Artiste a reçu une solide formation aux Beaux-Arts de Caen ( 1967 ) et y a préparé un diplôme National en gravure avec Mr Gautier ( professeur et graveur de timbres ).

Ce fut une grande aventure pour elle.

Graveur infatigable, « Catherine, un tempérament à aimer la résistance », lui avait on dit. Passionnée, elle a acquis la maîtrise de différents moyens techniques. Et c'est en travaillant l'eau forte, le burin sur cuivre, le zinc et le bois ainsi que les gaufrages, qu'elle est allée sur les chemins de la découverte de ce monde fait de matières. Les titres de ses compositions sont révélateurs : « Échappée belle », « Noces », « Métamorphose », « La Terre, une Promesse à la Bouche », « Les Annélides ». Ils illustrent cette recherche si proche des creux et des pleins, des aplats et des reliefs, révélés par la lumière, les rythmes et le mouvement.

Elle a gagné plusieurs Prix en Gravure ( ville de Bayeux) et Prix du Salon du Musée Baron Gérard. Expositions de 1969 à 1990 ( Biennale de Cherbourg : œuvre exposée  -  Masse Cosmique ).

Elle a ensuite repris la peinture ( l' acrylique particulièrement ) et travaillé les « enduits et techniques mixtes ». Par collage et utilisation de différents matériaux, elle aime, dit-elle, «  aller à l 'essentiel ». On ressent dans certaines œuvres : nostalgie et espérance, absence, présence et obsession du temps ( Murmures - Passage - Hautes Herbes ).

Revenue d' Australie en 2015, enthousiasmée par les paysages et les couleurs de la terre, elle créa des compositions en ocre et rouge. Dans « Le Chant des Pistes », ( titre inspiré du livre de Bruce Chatwin ) elle fit la série des « Tropiques » en utilisant colles et plusieurs variétés de sable.

On ne peut que rester sensible à cette démarche qui nous rappelle le « restez fidèles à la terre » de Nietzsche ( l 'un de ses derniers mots ). Nous pourrions même évoquer cette Philosophie Existentialiste et Naturalistique ancrée dans l' enracinement. Ce que définissait plus précisément, Kenneth White dans sa Géopoétique : « vivre un lieu, c' est entrer en contact avec lui ».

Elle a réalisé une stèle du Souvenir ( sculpture monumentale ) à Bretteville-l 'Orgueilleuse en juin 2004 avec la participation de la Société CMEG ( Caen ).

Les autres réalisations de l 'Artiste sont très diversifiées, en sculpture ( stabiles et mobiles) et en dessins. Logos, illustrations, carnets de bord et fresques illustrent de même sa grande capacité à s 'ouvrir au monde. On peut y déceler plusieurs émergences esthétiques et tendances plastiques qui oscilleraient entre le naturalisme, l 'abstraction et le fantastique, voire le symbolisme.

Du point de vue technique, rien ne semble l'arrêter dans l' utilisation des supports, des matériaux et même des outils ( brosses, pointe sèche, burin, éclats de métal, fourchette …).

Elle a écrit deux romans dont les titres sont les suivants : « Dune » et « Cinglante Compostelle.

Séduits, accaparés, face à toutes ces œuvres, nous nous retrouvons en étroite relation avec ce qui vibre, réchauffe, bouscule, éclate, respire, palpite, brille, éclaire, et élève...

Baudelaire lui-même, parle de cette intelligence à la fois contemplatrice et active, « faite de pleine lumière puisée au foyer saint des rayons primitifs ».

Artiste chaleureuse, elle semble balancer entre l' invisible cohérence d'une sensibilité à fleur de peau et la visible organisation de la matière du monde.

Ce feu intérieur qui lui fait peindre cet homme évoluant dans l 'espace et semblant prendre élan vers le ciel, tel Icare, nous confirme aussi cette évolution qui vise le dépassement. Cette recherche de l 'embrasement, nous invite à transcender une réalité qui pourrait sembler parfois morne ou terne. Catherine Muller de Schongor n' a rien d 'une Artiste ordinaire.

Mais ne nous méprenons pas ! Si elle interroge le monde, c' est aussi pour nous faire partager sa passion, où dit-elle, nous sommes immergés dans la vie comme dans ses compositions, où tout est « passage, émulsion, convulsion et mouvement » . Tout serait donc appelé à se transformer, à évoluer. On pourrait même dire que rien n' est inscrit définitivement dans nos gènes, que tout devient possible en ces instants de création. En cela même, cette Artiste nous a convaincus et séduits.

Chris Canter-Briens